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Le film Manger local, c’est encourager nos gens d’ici fait jaser

legumes tomates courges choux salade et plus Photo PixabayLettre ouverte : J’ai assisté, le mardi 15 mars en soirée, au visionnement de la vidéo documentaire Manger local, c’est encourager nos gens d’ici ! présentée à Huntingdon par Anne Minh-Thu Quach, députée de Salaberry-Suroît et Marie-Ève Rochefort, journaliste.

La présentation s’inscrivait dans le cadre d’une campagne de promotion de l’agriculture locale et de sensibilisation auprès de la population sur l’importance de bien choisir nos aliments.

La proposition d’achat local, de consommation locale et de circuits courts est illustrée dans le documentaire par des témoignages entrecoupés de commentaires des réalisatrices. On nous a montré trois producteurs agricoles qui nous ont décrit leur parcours, leur type de production, et brièvement leurs débouchés. Un maraîcher, un producteur de lait et un producteur de viande. On peut qualifier le type de production présentée de production industrielle, à l’échelle québécoise bien sûr, mais industrielle quand même quant aux intrants, à la mécanisation, aux surfaces exploitées. Ces agriculteurs ont parlé de leurs débouchés et dans les trois cas la taille des exploitations leur permet de faire affaire avec les grandes chaines de distribution.

La discussion qui a suivi la projection était portée par un panel de trois producteurs locaux, impliqués tant dans la production industrielle que dans la production artisanale. Le point commun entre ces producteurs, en dépit des différences de type d’agriculture qu’ils pratiquent, est leur engagement à promouvoir leur métier auprès de la population et surtout à favoriser le circuit court et l’achat local. Cette distribution garantit fraîcheur et valeur nutritive aux produits et élimine la pollution causée par le transport.

La distribution locale actuellement se décline en six modes :

On comprend facilement qu’il y a une grande différence de volume d’activité et d’impact économique entre ces modes. Le poids des quatre premiers est anecdotique comparé aux deux autres. Nous avons affaire à un réseau artisanal dans le cas des quatre premiers et à un réseau industriel pour les deux autres. Mais il convient, dans une démarche de soutien, d’encourager le développement de l’ensemble puisqu’il s’agit de notre secteur agricole québécois.

Le moyen préconisé par les réalisatrices est la sensibilisation de la population aux avantages et aux nécessités de l’achat local, de la consommation locale et des circuits courts afin d’accroître la demande en augmentant la fréquentation du réseau artisanal et la pression sur le réseau industriel.

On ne peut pas être contre la vertu mais je trouve la proposition un peu faible face aux enjeux actuels de l’agriculture québécoise. Dans nos sociétés de consommation c’est l’offre qui crée le marché. L’offre du réseau artisanal, surtout en région rurale et malgré tout le mérite des gens qui y travaillent, est limitée, instable, difficile d’accès.

S’alimenter à ce réseau demande temps et attentions particulières que la majorité des consommateurs n’est pas prête d’accorder. C’est une tendance marginale qui ne deviendra pas un mouvement de fond.

Quant à l’offre des produits québécois dans le réseau de la grande distribution, elle est bien implantée. Non pas parce que les consommateurs la demandent mais parce que nos producteurs sont compétitifs. Ils sont compétitifs et le secteur agricole est relativement prospère grâce aux mesures protectionnistes et aux programmes d’assurance de stabilisation des revenus, de contrôle des marchés et de crédits d’impôt.

Pour soutenir cela il faut bien plus qu’une campagne de sensibilisation à l’achat local, il faut promouvoir des politiques ancrées dans la réalité. Cette réalité c’est que nous sommes dans une économie de libre marché dominée par le capitalisme financier. Les politiques macroéconomiques de dérèglementation et d’ouverture des marchés des dernières décennies, après avoir détruit notre secteur manufacturier, menacent maintenant notre secteur agricole. De puissants lobbies sont à l’œuvre pour remplacer, dans les rayons de la grande distribution, les produits québécois par des produits importés.

Malgré cela, la population continue de porter au pouvoir des partis favorables aux grands traités de libre-échange. Je crois qu’une campagne de sensibilisation aux enjeux des accords de libre-échange serait plus utile qu’une campagne de sensibilisation à l’achat local. Les deux derniers accords conclus, le Partenariat transpacifique et l’Accord économique et commercial global avec l’Europe, l’ont été dans la plus totale indifférence publique. L’information approfondie demande beaucoup d’efforts mais sans elle, démocratie n’est qu’un vain mot.

Mobiliser les consommateurs autour d’une politique d’achat local et de circuits courts me semble une proposition bien naïve face aux puissantes forces macroéconomiques qui sont à l’œuvre dans la direction opposée. Non seulement naïve, mais contre-productive car elle nous entretient dans l’illusion d’agir.

Quand allons-nous vraiment parler politique ?

Luc De Tremmerie, agent culturel

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