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Judiciaire – Dossier Kathryn Spirit : Que peut-on faire ?

Simon_Vincent chroniqueur Photo 2 fevrier 2016 pour INFOSuroitL’actualité judiciaire fait l’objet de différentes chroniques grâce à Simon Vincent. Le chroniqueur d’origines campivallensiennes a un baccalauréat en Droit et détient également un baccalauréat en Philosophie politiqueDans ses billets, Simon Vincent réagit à la manière dont les tribunaux se prononcent sur des questions sociales importantes. Voici son nouveau texte : Dossier Kathryn Spirit : que peut-on faire ?

(Simon Vincent ) – Le dossier concernant le Kathryn Spirit, ce bateau accosté sur les berges de Beauharnois, a attiré l’attention de différents médias au niveau national dernièrement, notamment Le Devoir et Radio-Canada. Même Denis Coderre s’est déplacé à Beauharnois!

Selon de nombreux intervenants, ce bateau contient de l’eau contaminée par du mazout et de la rouille, ce qui représente un important risque pour l’eau du fleuve. En plus, la présence de ce vieux rafiau rouillé détone un peu avec le charme de la Ville de Beauharnois. De toutes parts, on dénonce l’inaction des différents paliers de gouvernement dans cette affaire.

A-t-on vraiment les mains liées ? Ne peut-on rien faire si une catastrophe environnementale est imminente ? Juridiquement, il existe plusieurs solutions.

De prime abord, la navigation sur la voie maritime relève du gouvernement fédéral. C’est sa responsabilité de légiférer et de prendre les décisions qui s’imposent dans ce domaine. La Loi de 2001 sur la marine marchande donne au gouvernement fédéral le pouvoir de prendre toutes les mesures qu’il estime nécessaire si un bateau constitue une menace pour l’environnement, dont en prendre possession. La question à savoir de quelle manière on pourrait disposer de manière sécuritaire du Kathryn Spirit représente un enjeu de taille.

La semaine dernière, Guy Leclair a d’ailleurs déploré l’inaction du gouvernement fédéral. Selon lui, le Québec est « à la merci du fédéral » et ne peut rien faire. Je ne suis pas de cet avis, pour diverses raisons.

Au Québec, les questions environnementales sont régies par la Loi sur la qualité de l’environnement. Celle-ci interdit à quiconque de rejeter dans l’environnement des contaminants au-delà de la quantité ou de la concentration prévue par différents règlements. La loi prévoit toute une série de sanctions pour les contrevenants et permet aux agents du ministère d’imposer diverses conditions aux entreprises qui exercent des activités susceptibles de rejeter des contaminants dans l’environnement.

Au cours des dernières années, les tribunaux ont refusé à plusieurs reprises de dire que « l’environnement » relevait d’un palier de gouvernement plutôt que d’un autre, prônant plutôt la flexibilité et le fédéralisme coopératif. Les lois environnementales sont des lois à caractère général et d’intérêt public, et ceux qui désirent s’y soustraire ont un lourd fardeau de preuve à remplir. À ce jour, aucune décision n’a affirmé que tout ce qui touche de près ou de loin à la navigation ou à la voie maritime relève exclusivement du gouvernement fédéral.

Ainsi, théoriquement, Québec pourrait intervenir dans le dossier du Kathryn Spirit afin de prévenir ou condamner le rejet de contaminant s’il estime que ses intérêts sont en jeu. Si Québec désire appliquer sa loi, il n’en tient donc qu’à lui.

En fait, le principal écueil dans le dossier du Kathryn Spirit est qu’à ce jour, aucune preuve experte n’a pu démontrer que le bateau constituait une menace sérieuse pour l’environnement. Pour plusieurs résidents de la région, un simple coup d’œil en direction du bateau semble pourtant suffisamment éloquent. Toutefois, pour que les autorités publiques fédérales, provinciales ou même municipales puissent prendre des mesures coercitives comme la saisie du bateau ou encore appliquent des sanctions, des preuves solides doivent pouvoir les justifier. Pour le moment, ce n’est malheureusement pas le cas.

J’ose espérer que le groupe de travail mis en place ce matin par les municipalités et le gouvernement fédéral en fera sa priorité.

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